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NOUVEL AN TIBETAIN

ANNEE DU COCHON-SANGLIER DE FEU

 

En entrant dans le temple, on se sent attendu, et même attendus très nombreux...

Lama a mis « les petits tapis dans les grands », couvrant toute la surface du parquet, disposé des coussins partout...Cela fait un ensemble très chaleureux et presque douillet ...

Lama nous accueille « chez lui »....cela se sent à des petits détails, une ambiance, un petit je ne sais quoi de plus tibétain encore que d'habitude, très simplement et généreusement...

Dans une cagette toute proprette, les quenelles de tsampa attendent le début de la cérémonie de Tchi Lou,   chargées de tous nos maux de corps, de tous nos maux de coeur, après que nous ayons   appliqué chacun   la sienne sur les différents endroits souffrants du corps, soufflé dessus pour lui confier nos peines et nos négativités, et laissé l'empreinte de nos doigts en la serrant bien....

Vers 5 heures, Mahakala commence... Eclats sonores des cymbales, roulements sourds et graves des gongs sous la poigne attentive aux rythmes de Audrey et de Yourian,   voix qui psalmodient ce chant lancinant par moments, claquements des mains...Le mental sait de moins en moins où aller, les sons lui barrent la route, l'isolent de tout le fatras ordinaire qu'on croit si important et le réduisent à pas grand-chose...Les épaules se relâchent, laissant tomber les émotions, le corps se fait plus enraciné et léger,   l'esprit peut se retrouver paisible, ouvert...

C'est là que Lama Teunsang commence la cérémonie de Tchi Lou que nous pouvons chanter avec lui, grâce aux textes nouvellement mis en phonétique...Toutes nos négativités vont être transformées, l'énergie du principe conscient va se retrouver fluide et claire pour suivre la voie du Bouddha... Si on y met du sien, bien sûr !!!!   Il ne faut trop rêver, tout de même !

Samten sert la Pouja, très digne comme à son habitude, emporte les Torma dehors pour les donner à dévorer aux   esprits affamés......Jean-Marc traduit les explications de Lama...

Et nous recevons tout cela : la musique et les chants, les explications, les bénédictions, dans une belle concentration sur laquelle flottent des sourires qui osent peu à peu affirmer qu'ils sont heureux d'être là...

Mahakala reprend, fini de se déployer,   le chant s'arrête, la cérémonie est terminée...

  Lama nous envoie dîner d'un geste plein d'humour et de tendresse...

«  Allez vite pour revenir à   20 h 15 »

Un peu plus tard, vite les textes de la pouja aux « 100 déités du Bardo »...Vite le coussin !   Maintenant c'est à tous ceux qui errent dans le Bardo que nous offrons nos souhaits et nos prières pour une renaissance heureuse et utile...leur bonheur garanti le nôtre, dans cette affirmation qu'ils ont tous été nos Pères et nos Mères dans le passé, mystère que nous dépassons dans l'engagement du Bodhisatva.   Un rapide Tchenrézik pour finir la soirée, et c'est l'heure de se reposer...Demain matin, avant le petit déjeuner, nous ferons une pratique de Shiné, le calme mental, suivie de « l'appel au Lama de loin » Après avoir médité toute la soirée sur nos travers, nos difficultés, karmiques ou non, c'est bien ce qu'il faut pour un petit matin gris de Nouvel An, fût-il Cochon de Feu !!!

Thé ou café, tartines de beurre, les confitures de cerises ou de fruits des bois sont toujours aussi bonnes...d'autant meilleures qu'on les partage entre gens qui n'ont qu'une envie : être heureux, aider les autres à l'être, et font ce qu'ils peuvent pour cela dans les menus gestes de la vie quotidienne...en tout cas c'était sensible durant les repas de cette journée... Une grâce toute joyeuse se faufilait entre les tables, sans créer d'excitation énervée par une telle abondance de bénédictions des Bouddhas, comme cela arrive parfois...

C'était vraiment chaleureux, bon vivant....

Petit passage à la boutique pour trouver une enveloppe où glisser une offrande, acheter des Katas...

Carole n'arrête pas de répondre aux même questions, tranquillement

« - Dis, il en faut combien ? 

•  je ne sais pas vraiment.. Une pour le Lama. Une pour le bouddha ? une pour Karmapa...ça en fait trois... Mais tu peux aussi en mettre une pour Shamarpa, une pour Kalou Rimpoche, et même pour la représentation de Machik Lam Dreun un peu cachée derrière son pilier... les Tcheupa et les Tcheuma savent bien qu'elle est là... Enfin, tu en mets autant que tu veux....Une seule à Lama si tu veux...

•    Ah bon ! merci ! »

Retour au Temple...

Lama est installé sur son trône dégagé de la tablette qui nous le cache en partie durant les enseignements, sourire comme un soleil pour accueillir nos offrandes et nos kata... Il a préparé un cadeau pour chacun... Un petit dorjé de perles des 5 couleurs. Que nous pourrons attacher à une chaîne de cou, une clé de voiture, le berceau du dernier-né, suivant notre inspiration et nos besoins...C'était réjouissant de voir les visages s'épanouir en recevant ce cadeau dont nous connaissons tous le prix : en effet, Lama a récité vraiment beaucoup de Mantra en soufflant dessus pour susciter en nous la même ardeur que celle qu'il déploie dans sa pratique...

Une belle protection, un beau rappel, pour chacun pour ne pas trop se laisser aller à nos « fourbis » émotionnels, cette année... Et les suivantes !!!!

Jean-Marc nous a bien « briffés » et nous savons exactement ce qui se passe et quoi faire...

De la part de Lama, il nous offre à chacun une pilule de Longue Vie à laisser fondre de suite dans la bouche...

Il faut ensuite tendre la main pour recevoir une grosse cuillèrée de Tsampa qu'il nous y dépose en nous disant « D'où viens-tu ? »   Iil faut répondre « je viens d'en bas ! »

A la question suivante « Où vas-tu ? » il ne faut surtout pas se tromper, il faut bien répondre « je vais en haut », affirmant ainsi notre choix d'évoluer, et l'on goûte à cette tsampa « spéciale Losar ». Elle est très fine et parfumée, adoucie d'un peu de sucre et de beurre... Une pincée à jeter en l'air pour montrer le chemin que l'on veut suivre vers le haut ; offrande aux dieux aussi, peut-être ? On en dépose un peu sur le sommet de sa tête, en faisant de nouveau des souhaits de Longue Vie «  que je vive 100 ans jusqu'à ce que ma tête soit entièrement blanche ! »...Lama nous explique le symbolisme de cette tsampa ainsi lancée en l'air...

« Il y a longtemps, Guésar de Ling, voit partir un de ses oncles... Pour diverses raisons, cet oncle part en exil... Quand quelqu'un quitte ainsi la terre du clan, on a l'habitude de ramasser un peu de la poussière du sol et de la lancer devant lui... la poussière montre le chemin de la terre qu'on quitte à celle que l'on va rejoindre...Cette fois là, un autre de ces oncles dit « ce n'est pas un départ ordinaire, il faut une poussière non-ordinaire pour cette occasion... Il   prend de la tsampa, la mêle d'un peu de la terre... Puis la lance... Depuis, chaque fois que l'on part en voyage, on lance un peu de tsampa...A Dharamsala, je voyais mes amis tibétains aller chercher quelques grains d'orge auprès des Lama du Temple... Ils revenaient tenant précieusement les quelques grains dans un tout petit sachet, qu'ils gardaient sur eux durant tout le temps du voyage...

On reçoit encore une Kata de la part de Lama...Douceur dans le coeur, douceur autour du cou.. C'est dû à la finesse de la kata ou bien à la présence de Lama ?

On dépose des Katas devant les photos des maîtres de son choix comme pour un moment d'intimité en esprit avec lui.   Les coeurs s'ouvrent et s'expriment silencieusement devant les portraits. Une Kata pour la grande statue du Bouddha...

Juste à côté, cela devient très joyeux : Deki et sa soeur se tiennent debout près du buffet devant l'autel du Bouddha, portant leurs belles tenues de Tibétaines... Déki a revêtu la robe stricte, aujourd'hui d'un beau noir profond et brillant. Son tablier multicolore noué à la taille indique qu'elle est une femme mariée, et fait chanter le noir de sa tchouba.

Sa soeur porte une belle tchouba riante, en soie brochée à fleurs d'un bleu-vert lumineux et doux, nuancé de gris perle... sans tablier, puisqu'elle est célibataire...

C'est vraiment très beau de les voir ensemble ainsi parées...Leurs Tashi Délek Losar-La vont à   chacun tandisqu'elles offrent une assiette bien pleine du riz d'accueil avec un verre de thé.

On déguste le « drésil », cette sorte de repas rituel fait de riz sucré safrané et beurré, agrémenté de raisins secs, et surtout de   ces minuscules tubercules bruns qui ont le goût et la consistance de la châtaigne, une fois cuits...

Lama les a rapportées de son Kham natal, où il a voyagé il y a peu...Ces racines sont un luxe, car il faut passer beaucoup de temps à gratter la terre pour en trouver, elles sont si petites qu'il en faut beaucoup pour remplir un bol...Elles sont un symbole tout en même temps qu'elles sont un luxe. Pour les récolter, nous n'avons pas besoin de les semer car ce ne sont pas des graines, ni besoin de les cultiver puisque ce ne sont pas des légumes... Elles symbolisent toutes les bonnes choses, les richesses en quelque sorte que l'année nous réserve à condition que nous sachions les trouver sous l'apparence ordinaire des choses. Le riz en contenait vraiment beaucoup et les croquer mélangées à la saveur safranée du riz, c'était vraiment délicieux.....Oh, il y a même un immense plat de Kapsé, les gâteaux traditionnels du Losar, un peu semblables à des bugnes en plus craquant, et du thé salé au beurre, bien agréable à boire pour changer de saveur et se désaltérer...

« Prenez votre temps » nous recommande Lama « Avalez bien comme il faut »...

Le chant des souhaits pour renaître en Déwatchen s'élève joyeusement soutenu par le plaisir de ce beau moment partagé avec Lama, entre tous... Les enfants ne sont pas les derniers à avoir répondu correctement aux questions rituelles ni pour se réjouir ! Ils sont avec nous heureux comme des poissons dans l'eau, formant déjà une petite bande avec sa vie à elle et sa manière de comprendre le Dharma et la Sangha !

Juste le temps de s'ébrouer un peu, de prendre l'air, et la cloche nous annonce l'heure du déjeuner.. Un bon pot-au-feu avec les petits cornichons, le gros sel, et même une mayonnaise à la ciboulette pour accompagner les pommes de terre.. Un pot-au-feu comme à la maison, pour une grande famille de 130 à 140 personnes !!! Le tiramisu était bien délicieux  !

Merci Claudia, Michel, Claude et ...Merci Valérie, comme un   rayon de soleil au secrétariat !

Merci à vous tous, les résidents, Véronique, Fred, Daniel. Merci à Jean-Pierre pour tellement de choses !   Merci à nous tous qui sommes venus offrir notre part de joie de vivre pour que ce Losar devienne un trésor dans nos mémoires.

LONGUE VIE A VOUS LAMA-LA !

TASHI DELEK   LOSAR LA !!!!

A MONCHARDON les 17 et 18 fevrier 2007

  Marie-Martine Mestre